Assurer une gestion pérenne des masques en EHPAD : anticiper, organiser, sécuriser

15 juin 2025

Pourquoi une gestion vigilante des masques est-elle vitale en EHPAD ?

Dans un EHPAD, la prévention des infections repose en grande partie sur le port du masque, renvoyant à des enjeux essentiels : protection des résidents âgés – dont 90 % présentent une ou plusieurs comorbidités (Santé Publique France), sécurité du personnel, continuité du service. Un seul épisode de rupture peut exposer toute la chaîne du soin à un risque d’épidémie ou à un arrêt temporaire des admissions, avec impact humain et organisationnel fort.

L’expérience de la pandémie de COVID-19 a révélé à la fois la fragilité des circuits d’approvisionnement (parfois 30 % de personnel en arrêt maladie selon la DREES) et l'obligation pour chaque établissement d’adopter des pratiques robustes de gestion des stocks : entre vigilance sanitaire, contraintes budgétaires et imprévus, l’exercice est délicat. Mais il existe des leviers concrets pour limiter les risques de rupture.

Évaluer précisément les besoins : la première clé

Cartographier l’utilisation réelle des masques

  • Effectif du personnel : en moyenne, un agent soignant en EHPAD utilise 3 à 5 masques chirurgicaux par journée de travail (HAS), soit environ 75 masques par mois et par soignant à temps plein.
  • Nombre de résidents : prévoir la dotation pour toute personne participant à la vie de l’établissement, y compris les intervenants extérieurs, selon les visites, les animations, etc.
  • Activités à risque : toilette, soins de nursing, soins invasifs ou proximité avec des résidents symptomatiques augmentent la consommation.
  • Saisonnalité : hiver et périodes de circulation virale (grippe, gastro-entérite…) doublent parfois l’utilisation journalière.

Un suivi sur trois mois permet de calculer une moyenne et d’anticiper les pics, tout en adaptant la commande aux réalités : par exemple, une structure de 80 résidents avec 50 ETP soignants consommera en situation normale environ 12 000 à 15 000 masques par mois, sans compter les masques FFP2 pour certains actes à risque.

Gardez une marge de sécurité : le stock tampon

  • Recommandation HAS : maintenir un stock de masques suffisant pour couvrir au moins 15 jours de fonctionnement habituel, soit un tampon de sécurité face aux retards de livraison (HAS).
  • Méthode ABC : classer les masques par importance : A pour les masques chirurgicaux (consommation très élevée), B pour les FFP2 (usage ponctuel, haute criticité), C pour les masques tissus réutilisables (si utilisés en activités non-soignantes). Cela guide la priorité de commandes et de surveillance.

Anticiper, commander, réceptionner : bâtir une organisation solide

Développer un calendrier de commande adapté au rythme de consommation

Une des difficultés les plus fréquentes tient à la variation de la cadence de livraison selon les fournisseurs : certains promettent une livraison sous 72h, d’autres demandent deux à trois semaines. La formalisation d’un planning régulier de réapprovisionnement, intégré à la gestion courante (par exemple, une commande tous les 15 jours), évite les oublis. Le suivi sur un tableur partagé ou un logiciel dédié permet à tous les responsables d’avoir une vue claire des stocks à date.

Choisir ses fournisseurs avec soin : diversifier pour sécuriser

  1. Sécurisation fournisseur principal : nouer un partenariat formel (et écrit) avec un fournisseur fiable, qui puisse répondre aux besoins courants et d’urgence.
  2. Fournisseurs secondaires en alerte : repérer au moins deux distributeurs alternatifs auprès desquels il est possible de commander ponctuellement en cas de problème.
  3. Surveillance de la qualité : exiger des certificats de conformité (norme EN 14683, pour les chirurgicaux), demander des échantillons, vérifier la régularité des dates de péremption à la réception.

Lors de la crise sanitaire de 2020, des EHPAD ont souligné le bénéfice d’une inscription directe sur les plateformes ARS ou Santé Publique France, augmentant la capacité de réagir face à des défaillances privées (L’Express, 2021).

Réceptionner et contrôler : ne jamais négliger la vérification

  • À la livraison, contrôler le nombre de boîtes reçues et vérifier la conformité des lots (emballage intact, date de péremption bien visible, conformité des masques à la description technique).
  • Noter tout écart ou lot douteux sur le registre pour un suivi ultérieur.

Organiser le stockage : prévenir la perte et la détérioration

Respecter les règles de conservation

  • Les masques doivent être stockés dans un endroit sec, propre, à l’abri d’une exposition directe à la lumière ou à la chaleur (température idéale : 15° à 25°C).
  • Séparer physiquement les différents types de masques (chirurgicaux, FFP2, tissus) avec des étiquettes claires et mises à jour pour éviter toute confusion au moment de la distribution.
  • Respecter la règle “premier entré, premier sorti” pour limiter le périmé : placer les cartons les plus anciens bien en évidence.

Assurer un accès facile mais contrôlé

Limiter l’accès à une ou deux personnes référentes (infirmière hygiéniste, cadre de santé, adjoint logistique) réduit les pertes. La distribution doit être centralisée : chaque binôme ou équipe récupère un stock pour 24 ou 48h, ce qui favorise le suivi et le dialogue entre référents et terrain. Un cahier ou badge d’émargement peut faciliter le suivi hebdomadaire.

Repérer, signaler, alerter : traquer les alertes précoces

  • Les remontées du terrain sont précieuses : recueillir les observations du personnel sur un changement d’aspect, une difficulté d’ouverture des boîtes, une perte de qualité (masque qui se déchire, odeur suspecte, bande nasale qui lâche…)
  • Toute anomalie doit être notée puis signalée au fournisseur si besoin.

Prendre appui sur l’intelligence collective : retours d’expérience et veille partagée

Toutes les situations ne sont pas prévues dans le protocole écrit. C’est en écoutant les retours des équipes qu’il est possible d’améliorer les circuits et l’efficacité. Quelques exemples issus du terrain :

  • Calendrier de crise : certains EHPAD ont mis en place un système de “veille épidémique” calé sur les bulletins de Santé Publique France, adaptant le stock de masques au fil de l’eau en fonction du taux d’incidence local.
  • “Petite réserve” d’urgence : en cas de suspicion d’épidémie, création d’un lot fermé dédié aux situations exceptionnelles, stocké dans un lieu sécurisé (par exemple, armoire sous clé), uniquement accessible par l’infirmière coordinatrice.
  • Formations flash : rappels réguliers lors des transmissions du matin sur la bonne utilisation et la nécessité de signaler tout incident de stock.

Anticiper les ruptures : organisation, planification, alternatives

Identifier les signaux d’alerte

  • Baisse du seuil d’alerte : si le stock passe sous le seuil des 10 jours de consommation moyenne, déclencher immédiatement une commande.
  • Ruptures en pharmacie ou chez les fournisseurs privés constatées par d’autres établissements voisins : vigilance accrue, communiquer avec l’ARS.

Prévoir des alternatives en dernier recours

Lors des tensions aiguës, plusieurs solutions temporaires ont pu être envisagées :

  • Redistribution des stocks entre établissements : prêt temporaire, mutualisation entre EHPAD d’un même gestionnaire ou réseau (sous réserve du maintien des conditions de stockage).
  • Diminution temporaire des usages non essentiels, sous contrôle médical.
  • Recours aux masques tissus uniquement pour des tâches non-soignantes et après validation par le médecin coordonnateur et l’ARS (Ministère de la Santé).

Mais aucune de ces solutions ne remplace un stock-tampon bien calibré dans la durée.

Mise en place d’outils concrets de suivi : applications, tableaux, protocoles

  • Tableau de bord papier ou Excel : indiquer quotidiennement le nombre de boîtes restantes, la date de dernière commande, le délai de livraison prévu. Ce suivi peut être affiché dans la salle du personnel.
  • Liste des référents : une personne titulaire (souvent l’infirmier hygiéniste) et une personne suppléante veillent à la gestion et à la surveillance des stocks.
  • Procédure interne en cas de pré-rupture : affichée clairement pour tous, elle détaille la conduite à tenir en cas de baisse rapide du stock (alerte à la direction, commande immédiate, contact avec l’ARS ou le réseau de pharmacies référencées).

Des outils numériques partagés (Google Sheets, logiciels de gestion d’EHPAD) apportent un gain de temps, surtout pour les groupes multi-sites. L’important demeure la régularité et la simplicité du suivi.

Pour aller plus loin : renforcer la culture du “jamais sans masque”

Au-delà des protocoles et des chiffres, la gestion des stocks de masques raconte avant tout l’engagement collectif dans la sécurité du soin. Anticiper, organiser, responsabiliser chacun est un réflexe de protection : vis-à-vis de la santé des résidents, du staff et de l’image de l’établissement. Mettre en place une gestion sans faille ne demande ni investissement gigantesque, ni moyens hors de portée, mais une vigilance partagée et un dialogue permanent entre les différents métiers.

La prochaine étape pourrait consister à élargir la réflexion à d’autres Equipements de Protection Individuelle (EPI) – gants, surblouses, solutions hydroalcooliques – afin d’installer des bases solides pour toutes les situations à venir.

Pour s’informer, les recommandations de la Haute Autorité de Santé (HAS) ou de l’ARS restent des ressources fiables et réactualisées, utiles pour adapter sans cesse les pratiques de gestion et d’anticipation.

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