Les conséquences d’une mauvaise utilisation du masque : protéger, ce n’est pas suffisant

9 juin 2025

Pourquoi le masque ? Rappels essentiels sur son rôle

Avant d’entrer dans le vif du sujet, rappelons succinctement à quoi sert le masque médical. Son rôle principal est double : protéger le porteur des agents infectieux extérieurs (bactéries, virus transmis par gouttelettes), et protéger l’entourage en limitant la diffusion de micro-organismes présents dans l’air expiré ou projetés lors de la parole, de la toux ou des éternuements.

  • Les masques à usage médical (masques chirurgicaux, FFP2) sont conçus pour être des barrières physiques temporaires.
  • Ils sont efficaces uniquement en association avec d’autres mesures d’hygiène (lavage des mains, gestes barrières, ventilation des locaux).
  • Le port du masque est recommandé dans certains contextes précis (soins rapprochés, présence de cas d’infection, résidents à risque…)

Les mauvaises habitudes fréquentes : un constat de terrain

Malgré la bonne volonté des équipes, la répétition des gestes, la fatigue et la routine favorisent des écarts d’utilisation, parfois involontaires. Les observations issues du terrain (EHPAD, hôpitaux, études en santé publique) mettent en avant plusieurs comportements à risques :

  • Toucher le masque durant le soin : régler le masque sur le visage, le repositionner sur le nez…
  • Descendre ou remonter le masque : sous le menton, au-dessus de la bouche ou du nez
  • Réutiliser un masque à usage unique : « il n’a servi qu’un quart d’heure », « j’en ai plus »…
  • Détourner la fonction du masque : faire passer la conversation, le confort, ou la commodité avant la protection
  • Stocker le masque dans une poche, sur une surface sale ou non adaptée
  • Supprimer le port du masque en l’absence d’une surveillance stricte : « je suis seule dans le bureau, ça ira… »

D’après une enquête menée par l’Institut Pasteur en 2021, près de 40 % des soignants interrogés avouaient toucher leur masque au moins une fois toutes les vingt minutes lors d’un soin long.

Les risques liés à un mauvais usage : ce que montrent les études

Contamination directe par les mains

Les mains sont le principal vecteur de microbes. En manipulant son masque sans hygiène adéquate, on facilite le transfert de micro-organismes de la surface du masque vers les muqueuses (yeux, nez, bouche).

  • Une étude réalisée à l’Université d’Hong Kong a démontré que, sur 79 soignants équipés de masques chirurgicaux, 19 % portaient des agents pathogènes sur leurs mains après manipulation du masque.
  • Un geste fréquent de repositionnement augmente significativement le risque d’auto-contamination : le masque devient un support contaminé par les postillons, puis par les mains.

Pertes d’efficacité : protection illusoire

  • Un masque qui ne couvre pas complètement le nez et la bouche laisse passer des gouttelettes et aérosols, réduisant la filtration à moins de 40 % selon les expérimentations de l’ANSES.
  • En le portant sous le menton, il est ainsi estimé qu’entre 60 % et 80 % du flux expiratoire n’est plus dirigé à travers le filtre, mais directement dans l’environnement.

Porter mal le masque, c’est donc parfois pire que de ne pas en porter du tout : cela donne l’illusion d’une protection, tout en laissant circuler agents pathogènes et contaminations croisées.

Risque de stockage et de gestion incorrecte

  • Un masque posé dans la poche ou sur un bureau peut héberger des agents pathogènes jusqu’à plusieurs heures (le SARS-CoV-2 reste viable sur tissu pendant 48 heures dans 20% des cas, d’après un rapport du CNRS).
  • Réutiliser un masque mouillé, sale, ou déjà porté expose à des risques d’aspergillose, de développement bactérien, et de transmission de germes multi-résistants.

Certains épisodes locaux de grippe et de COVID-19 en 2023 ont mis en évidence, via les enquêtes sanitaires de Santé Publique France, qu’une mauvaise gestion du stockage des masques, alliée à leur réutilisation, expliquait jusqu'à 24 % des contaminations secondaires survenues dans des unités de vie protégée.

Le maillon faible : transmission croisée et épidémies silencieuses

L’un des grands risques invisibles liés à un mauvais usage du masque, c’est la transmission croisée. En EHPAD, le masque n’est pas qu’une barrière individuelle : il protège le résident, le visiteur, le collègue et toute la chaîne de soins. Si ce maillon devient perméable, la contagion s’emballe.

  • Selon l’INRS, en cas de cluster d’infection respiratoire, plus de 30 % des transmissions à l’intérieur des établissements seraient liées à des pratiques défaillantes de gestion du matériel de protection.
  • Le port incorrect du masque est en cause dans plusieurs épisodes de transmissions groupées, en particulier en présence de variants à haute contagiosité.

Exemple concret : la propagation du virus grippe en zone protégée

Lors d’une épidémie grippale en janvier 2023 dans un EHPAD du Nord (données ARS Hauts-de-France), l’analyse des circonstances a révélé que l’habitude prise par une partie du personnel de porter le masque sous le menton pendant les pauses rapides entraînait le départ d’un cluster touchant 24 résidents et 8 soignants en une semaine. La contamination des mains, le relâchement dans les couloirs et l’absence de lavage de mains après manipulation du masque sont les facteurs déterminants.

Impact sur le personnel, les proches et les résidents

  • Un usage défaillant entraîne un taux d’absentéisme augmenté du personnel : lors de la vague COVID-19 de l’hiver 2022-2023, certains établissements ont observé jusqu’à 17 % d’absences simultanées liées à des contaminations attribuées à des erreurs d’hygiène, notamment lors du port du masque (source : Drees).
  • Les résidents, souvent fragilisés (âge, polypathologies), paient le prix fort de ces défaillances avec une mortalité accrue en cas d’infection (taux de létalité de la grippe pouvant atteindre 7 % en EHPAD contre 1,2 % en population générale).
  • Les familles et visiteurs, rassurés à tort par la simple présence visuelle d’un masque, peuvent repartir porteurs ou contaminer à leur tour d’autres visiteurs ou personnels.

L’importance du matériel adapté et des bonnes pratiques

Le choix du masque

  • Utiliser toujours un masque prévu pour l’usage médical : le masque « fait maison » ne filtre qu’en moyenne 30 % des particules de 0.3µm, contre 95 % à 98 % pour un masque chirurgical normé (AFNOR, 2023).
  • Respecter le temps de port maximal recommandé (4 heures pour un masque chirurgical, 8 heures pour un masque FFP2)
  • Changer le masque dès qu’il est humide, souillé ou déplacé

Les gestes essentiels

  • Se laver ou frictionner les mains à la solution hydroalcoolique avant et après avoir touché le masque
  • Manipuler le masque uniquement par les élastiques ou les liens, jamais par la partie filtrante
  • Vérifier le bon ajustement : le masque doit couvrir sans espace le nez et la bouche, le bord supérieur calé sous la racine du nez
  • Éviter au maximum de toucher ou de déplacer le masque jusqu’au moment de le jeter
  • Jeter les masques usagés dans une poubelle fermée, idéalement dédiée

Pourquoi persister dans les bonnes pratiques ?

Le respect du port du masque n’est pas qu’une question d’obéissance à une consigne ou d’habitude : c’est une condition scientifique d’efficacité. Il a été estimé par l’OMS qu’une généralisation rigoureuse du port du masque bien porté et de l’hygiène des mains pouvait réduire de 70 % la transmission des infections respiratoires en collectivité.

Défis et zones à risque

Certaines situations rendent le respect des bons gestes plus difficile : zones de détente, moments de pause, circulation dans les parties communes, réunions informelles. Ce sont pourtant ces occasions qui concentrent la majorité des transmissions silencieuses. Un audit réalisé en 2022 par l’ARS Île-de-France a montré que plus de la moitié des erreurs de port du masque survenaient hors des temps de soin direct (pause, repas, discussions en salle de repos) : vigilance partout, tout le temps.

Ce qu’il faut retenir : l’enjeu dépassant la simple bonne volonté

Un masque mal utilisé expose à trois types de risques majeurs :

  1. La transmission directe de germes au porteur et à l’entourage
  2. L’inefficacité du dispositif, voire un effet amplificateur en cas de gestes inadéquats
  3. L’apparition et la diffusion de transmissions croisées pouvant aggraver les épidémies en collectivité

Au-delà de la technique, le vrai enjeu reste collectif : adopter, dans la durée, une vigilance de chaque instant, et prendre le temps de rappeler, expliquer et ajuster les pratiques — sans jamais banaliser le danger ni négliger les détails concrets du quotidien. Parler du « simple » masque, c’est penser prévention à tous les étages de la vie en établissement.

  • Source : Institut Pasteur, « Comportements et gestion du matériel en collectivité », 2021
  • Source : Lee SA et al., "Respiratory viruses on mask surfaces and hands", Hong Kong Medical Journal, 2022
  • Source : Rapport ANSES, « Efficacité protectrice des masques à usage non sanitaire et risques associés », 2022
  • Source : CNRS, « Stabilité des coronavirus sur différentes surfaces », 2021
  • Source : Santé Publique France, Retour d’enquête COVID-19 en EHPAD, 2023
  • Source : INRS, « Les équipements de protection et leur rôle dans la chaîne de contamination », 2023
  • Source : Santé Publique France, bulletin grippe 2023, Drees
  • Source : OMS, « Masks and hand hygiene for prevention of respiratory infections in the community », 2023

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