Gestes barrières : Maîtriser l’enfilage et le retrait des gants et de la surblouse

10 juillet 2025

Pourquoi accorder de l’importance à ces gestes ?

Le port des équipements de protection individuelle, comme les gants et la surblouse, s’est imposé à tous lors des épidémies récentes. Mais derrière cette pratique devenue fréquente se cachent des enjeux majeurs : chaque étape, de l’enfilage au retrait, conditionne la sécurité du soignant autant que celle du résident ou du patient. Une défaillance multiplie le risque de transmission des agents infectieux. En France, près de 400 000 infections associées aux soins sont relevées chaque année, et une grande partie survient en établissement médico-social (source : santé publique France).

Des gestes apparemment simples peuvent, en réalité, protéger efficacement… ou devenir vecteurs de contamination si on s’y prend mal. Derrière ce rituel quotidien, il y a des méthodes, des astuces de terrain, et des pièges à éviter.

Les étapes préparatoires avant toute manipulation

  • Préparation du matériel : toujours s’assurer d’avoir accès à tout le matériel nécessaire, à portée de main, avant de démarrer. Oublier une taille de gants ou une surblouse de rechange peut forcer à des allers-retours sources de contamination.
  • Hygiène des mains : principale barrière contre les germes. L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) estime que 60 à 70% des transmissions croisées en milieu de soins sont dues à des mains mal désinfectées (source : OMS 2023). Utiliser une solution hydroalcoolique pendant 30 secondes ou procéder à un lavage minutieux.
  • Choix adapté de l’EPI : il existe plusieurs types de gants (latex, vinyle, nitrile) et de surblouses (jetables, lavables, stériles, imperméables), à sélectionner en fonction de l’acte à réaliser. Une surblouse à usage unique reste recommandée lors de contacts à risque (liquides biologiques, soins aseptiques).

Comment enfiler correctement des gants ?

À faire : la procédure étape par étape

  1. Hygiène des mains : indispensable, même avant de mettre des gants. Cela élimine les pathogènes présents et limite leur transfert à l’intérieur du gant.
  2. Déballer les gants sans contact : ouvrir soigneusement l’emballage, ne pas toucher la surface extérieure des gants.
  3. Enfiler le premier gant : glisser doucement la main jusqu’à ce qu’elle soit parfaitement en place, sans tirer ni forcer (risque de déchirure).
  4. Enfiler le second gant : ne manipuler que par la manchette pour éviter de toucher la surface extérieure. Si les gants sont stériles, il faut être encore plus vigilant et ne toucher que la partie intérieure.
  5. Ajuster les gants : veiller à bien recouvrir le poignet, surtout si une surblouse suit. Une mauvaise adaptation peut faire glisser le gant ou dévoiler la peau.

À éviter absolument : toucher des surfaces inadaptées (portable, stylo, lunettes), réutiliser un gant déjà utilisé, superposer des gants (n'augmente pas la protection et entraine une perte de sensibilité).

Faut-il enfiler les gants avant ou après la surblouse ?

Le bon ordre dépend du type d’acte pratiqué. En règle générale :

  • Pour des soins aseptiques ou en zone stérile : Les gants viennent après la surblouse, manchette des gants par-dessus la manche de la blouse.
  • Pour des gestes courts et non exposés directement à un flot de liquides : Le port peut être synchronisé, mais il reste préférable d'enfiler la surblouse avant de finir par les gants.

L’objectif reste toujours d’empêcher une fuite de germe vers la peau.

Mettre une surblouse : la bonne méthode

  1. Déplier la surblouse sans la secouer : minimise la projection d’éventuelles fibres ou poussières.
  2. Enfiler les manches une par une : toujours commencer par une manche puis la seconde, avancer doucement, sans précipitation.
  3. Ajuster l’encolure et les manches : la surblouse doit recouvrir entièrement les vêtements, les poignets étant bien recouverts.
  4. Nouer (ou attacher) derrière le cou et la taille : un nœud solide mais facile à défaire, de préférence au dos (évite d’avoir à toucher le devant à l’ablation).

Les surblouses à usage unique sont conçues pour épouser le corps tout en laissant une liberté de mouvement. Il ne faut pas les retrousser, couper ou adapter, sous peine de rupture dans la protection.

Comment retirer les gants et la surblouse pour éviter tout risque ?

L’étape du retrait est généralement la plus risquée pour la contamination des mains et des avant-bras. Selon une étude américaine, 50% des contaminations cutanées surviennent au moment du retrait des équipements (The Lancet Infectious Diseases, 2019).

Le retrait des gants : une chorégraphie essentielle

  1. Pincer la paume extérieure d’un gant sans toucher la peau : retirer doucement le premier gant en l’enroulant sur lui-même.
  2. Glisser un doigt sous le poignet du second gant : éviter de toucher l’extérieur, tirer le gant vers l’extérieur, en emprisonnant le premier gant à l’intérieur.
  3. Jeter immédiatement les deux gants dans une poubelle dédiée, sans toucher d’autres surfaces.
  4. Hygiène des mains : là encore, usage de la solution hydroalcoolique ou lavage. Cette étape reste trop souvent négligée alors qu’elle est cruciale.

On évitera absolument de retirer les deux gants d’un « coup sec », de les décrocher avec les dents ou de toucher sa blouse ou son visage.

Le retrait de la surblouse : protocole indispensable

  1. Détacher le lien du cou puis celui de la taille : l’ordre importe (commencer par le haut, puis le bas) pour garder la contamination à l’extérieur.
  2. Saisir la surblouse par l’intérieur (à la nuque ou aux épaules) : tirer doucement vers l’avant, sans toucher la face extérieure.
  3. Retourner la surblouse sur elle-même, en la pliant au fur et à mesure (face souillée emprisonnée à l’intérieur).
  4. Éliminer la surblouse dans un contenant dédié.
  5. Lavabo ou solution hydroalcoolique : une nouvelle hygiène des mains sera nécessaire.

Ce sont des gestes peu spectaculaires, mais l’oubli d’un détail transforme la surblouse en source de transmission.

Erreurs fréquentes et astuces pour la pratique en EHPAD ou en établissement médico-social

  • La précipitation : par manque de temps, on néglige parfois le bon ordre du retrait. Cela multiplie par cinq le risque de contamination des mains (source : CDC, 2021).
  • L’adaptation “maison” : faire un nœud trop serré ou placer un gant sur un autre pour “plus de sécurité” complexifie leur retrait et augmente le contact avec la peau ou les habits.
  • La non-adaptation à la morphologie : des gants trop petits se déchirent, des gants trop grands glissent. Même constat pour la surblouse. Cela crée des brèches invisibles mais réelles.
  • L’oubli de l’hygiène des mains à chaque étape : “avec des gants, je suis protégé” est un réflexe intellectuel qui trompe. La flore cutanée (germes présents sur la peau) reste active sous le gant.
  • La manipulation d’objets avec les gants “sales” : téléphone, lit, poignée de porte, matériel de soins. On transporte les germes d’une pièce (ou d’un résident) à l’autre sans s’en rendre compte.

Quelques chiffres et repères pour renforcer la vigilance

  • En 2021, une enquête de l’INRS a montré que seulement 62% des soignants en EHPAD respectaient complètement la procédure d’ablation des gants et surblouses, malgré la formation (source : INRS, “Protéger pour soigner”, 2021).
  • Le temps moyen de port d’un gant jetable lors d’une séquence de soins en EHPAD est de 8 minutes. Or, au-delà de 10 minutes, les gants commencent à se fissurer (notamment pour le latex), surtout en cas d’humidité ou de contact prolongé avec des désinfectants.
  • Les mains des soignants restent colonisées par des microbes même après 5 minutes de port de gants… d’où l’importance cruciale de la désinfection en aval (étude Cochrane, 2018).

Évolutions et idées pour mieux s’approprier ces gestes au quotidien

La prévention des infections ne repose pas sur le matériel, aussi perfectionné soit-il, mais bien sur la rigueur et la méthode. Les gestes doivent être intégrés comme des automatismes et réinterrogés régulièrement lors de formations ou d’audits terrain.

  • Mise à disposition de vidéos de démonstration dans les salles de pause ou sur intranet : le visuel permet d’intégrer et de corriger rapidement une mauvaise habitude.
  • Organisation de challenges ou audits flash, où chaque membre de l’équipe peut observer et suggérer des améliorations à ses collègues, sans jugement.
  • Repenser l’accès au matériel : le placer au plus près des zones de soins, dans un ordre logique (gants, surblouses, solutions hydroalcooliques), pour éviter la tentation de “zapper une étape”.
  • Intégration du geste dans la culture de soin : la sensibilisation passe aussi par l’attention portée au sens du geste, et à l’exemplarité des plus anciens auprès des plus jeunes.

Pour aller plus loin : ressources et formations recommandées

Adapter son geste, garder à l’esprit la prévention à chaque étape, c’est non seulement préserver les personnes prises en charge mais aussi celles et ceux qui prennent soin d’elles. Car une bonne protection commence toujours… par un retrait bien réalisé.

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