Bien choisir et utiliser gants, surblouses et protections en EHPAD : pratiques essentielles du quotidien

25 juin 2025

L’usage des gants en EHPAD : bonne protection ou fausse sécurité ?

Les situations où les gants sont nécessaires

Les gants protègent des contacts avec le sang, les liquides biologiques, les muqueuses et les lésions cutanées. Selon les recommandations du Haut Conseil de la santé publique (actualisation 2023), ils doivent être portés :

  • Pour tout soin exposant au sang (pansements, prélèvements, soins de stomie...)
  • Lors de la manipulation de linge/surface souillés par des liquides biologiques
  • Pour la toilette intime ou lors de l’aide à la miction/défécation
  • En cas de contact avec une plaie ou une peau lésée

Mais : mettre des gants pour effectuer la toilette du visage, changer un drap propre, ou servir un repas, n’apporte aucune protection supplémentaire et n’est pas recommandé. Les gants n’ont aucun intérêt en prévention des risques purement “environnementaux” (chambre propre, soin sans contact avec des liquides biologiques).

Les risques d’un usage excessif : impact réel sur le terrain

  • Risque d’infections croisées : L’usage non justifié (ex : port de gants pour plusieurs gestes chez un même résident, ou passage de chambre en chambre sans changer de gants) augmente la transmission indirecte des bactéries (source : Société française d’hygiène hospitalière).
  • Diminution du lavage des mains : Porter des gants peut donner un faux sentiment de sécurité et faire “sauter” l’étape essentielle de friction hydroalcoolique ou de lavage des mains, alors que la contamination gants→mains lors du retrait est fréquente.
  • Irritations cutanées et allergies : L’exposition prolongée peut engendrer dermites (entre 25 et 35 % du personnel soignant concerné selon Inserm), voire allergies au latex ou aux additifs (thiurames, carbamates).
  • Augmentation du volume de déchets : En EHPAD de 80 lits, la sur-utilisation génère annuellement plus de 200 000 paires de gants, coûtant entre 1000 et 2000 euros par an pour chaque établissement (source : AP-HP, 2022).

Surblouse jetable ou réutilisable : critères de choix en EHPAD

La surblouse protège contre les projections et le contact avec des liquides biologiques. Le choix entre surblouse jetable et réutilisable dépend des contextes, mais aussi de l’organisation et des ressources de l’établissement.

Surblouse jetable Surblouse réutilisable
  • Usage unique, élimination après chaque soin à risque
  • Matériel léger (polyéthylène, non-tissé)
  • Pas de contrainte de désinfection
  • Idéale en situation d’urgence ou d’épidémie
  • Coût récurrent, impact écologique négatif
  • Tissu technique lavable, résistant à ≥60 °C
  • Peut être utilisée plusieurs dizaines de fois (40 à 70 lavages normés selon INRS)
  • Processus logistique de collecte et de nettoyage imposé
  • Plus écologique, économie à long terme
  • Risque de détérioration et de baisse de protection si mal entretenue

En période de forte tension (épidémies de gastroentérite, Covid-19, etc.), le jetable est souvent privilégié pour réactivité et simplicité. En routine, le textile réutilisable s’inscrit dans une démarche durable. Un contrôle régulier de la qualité et de l’imperméabilité reste essentiel.

Indications centrales : quand la surblouse s’impose-t-elle vraiment ?

La surblouse n’est pas une « seconde peau ». Son usage est strictement réservé à certains actes, notamment :

  • Soins à un résident en isolement (gastro, infection à Clostridioides difficile, suspicion de grippe ou Covid-19…)
  • Toilettes en cas de diarrhée, vomissements, plaies purulentes ou souillées
  • Manutention de linge très souillé
  • Réanimation ou aspiration respiratoire

En dehors de ces situations, le port de la surblouse ne protège ni le résident ni le soignant et complique la gestuelle. Plusieurs études montrent que la surblouse généralisée, sans indication, n’a aucun impact sur les infections (CDC, 2021). L’important est d’évaluer le risque réel, et non d’appliquer une routine aveugle.

La technique d’enfilage et de retrait : un geste qui fait la différence

Comment enfiler les gants et la surblouse sans se contaminer ?

  1. Lavez ou frictionnez toujours vos mains avant de toucher gants ou surblouse.
  2. Mettez la surblouse : commencez par enfiler les manches sans toucher l’extérieur, fermez par les liens dos et cou.
  3. Portez ensuite les gants, par-dessus les manches de la surblouse s’il y a risque de projection (cela “scelle” mieux la protection).

Ce qui compte : toujours manipuler le matériel propre avec des mains propres. Évitez de “stocker” gants ou surblouses dans les poches, l’air libre ou des endroits souillés.

Comment retirer sans risquer la contamination ?

  1. Otez d’abord les gants, en pinçant l’extérieur d’un gant avec l’autre main gantée, puis en glissant un doigt sous le poignet pour le second.
  2. Jetez immédiatement au collecteur approprié.
  3. Défaites les liens de la surblouse (cou puis taille), rapprochez les mains vers l’intérieur pour l’ôter en la roulant, sans toucher la partie externe.
  4. Lavez-vous soigneusement les mains après le retrait.

Une vidéo explicative ou une affiche en salle de soins (source : SF2H) aide à ancrer le bon geste, surtout pour les nouveaux arrivants ou lors de tensions épidémiques.

Soins d’hygiène en chambre : quelle protection ajuster à la situation ?

Chaque résident, chaque soin exige une analyse du risque :

  • Toilette simple au lavabo ou aide au lever : port de gants superflu, simple tenue professionnelle. Charlotte, surblouse ou masques inutiles.
  • Toilette complète, change, assistance à la douche, soins d’escarres : gants impératifs, surblouse selon présence de lésions ou souillures. Masque si suspicion d’infection respiratoire.
  • Soins à risque (gastro, suspicion de pathologie infectieuse) : gants, surblouse, masque. Lunettes ou visière selon risque de projection (aspiration, pansement purulent…)

L’essentiel : chaque EPI se porte pour une tâche unique et pour un seul résident; jamais d’EPI pour toute la tournée.

La question de la charlotte : mythe ou nécessité ?

En EHPAD, la charlotte (ou calot) n’est pas systématique. Elle n’est requise que pour :

  • Soins à haut risque d’aérosolisation (ex : aspirations respiratoires, soins invasifs respiratoires, lavage de cheveux souillés…)
  • Cas d’isolement strict lors d’épidémies (recommandations ARS lors de la grippe ou Covid-19)
  • Manipulation de linge ou objets maculés de sang/liquides organiques abondants.

Dans les autres cas, pour une simple toilette, une coupe de cheveux, ou l’accompagnement au quotidien, la charlotte n’apporte pas de bénéfice démontré (source : SF2H). Elle peut même accentuer la chaleur et la pénibilité du travail.

Vaut-il mieux lunettes, visière… ou rien ? Risques et indications précises

La protection oculaire (lunettes ou visière) est réservée aux gestes exposant à des projections potentielles sur le visage :

  • Soins de bouche, dentaire, aspiration bucco-trachéale
  • Pansements très exsudatifs
  • Éradication de poux ou champignons, soins de plaies chroniques suppurantes
  • Toilettes avec agitation ou risques de jets (vomissements, toux intense, etc.)

Visière : privilégier lorsque la protection du visage entier doit être assurée. Lunettes : pour une protection locale. Hygiène : nettoyer à l’aide d’une lingette détergente après chaque usage, stocker sur un support propre individuel.

Le stockage des EPI : prévenir la contamination croisée

Le stockage des gants, surblouses et masques fait partie de la prévention :

  • Recycler tout matériel souillé ou détérioré (jamais de gants sortis de leur boîte réutilisés)
  • Installer des distributeurs muraux à l’entrée des chambres en isolement/soins à risque
  • Ne pas stocker dans les salles de réfectoire, lieux de passage, ni en chariots ouverts (risque de contamination environnementale accrue, Document INRS 2022)
  • Pour les surblouses textiles : stocker dans un bac fermé, distinct propre/sale, ramassage régulier
  • Respecter la rotation des stocks (premier entré, premier sorti)

L’étiquette sur les portes de chambre n’est efficace que si elle rappelle le bon usage, et non la sur-consommation. Mieux vaut limiter l’accès au matériel à proximité directe du soin.

Intervenants extérieurs : comment bien les former et les équiper ?

Les professionnels extérieurs (kiné, podologue, animateur, etc.) et visiteurs peuvent être un vecteur de transmission. Les recommandations :

  • Informer sur les protocoles à leur arrivée (panneaux, consignes au bureau d’accueil, affiches en vestiaire)
  • Fournir un kit de base : surblouse, masque chirurgical (si saison épidémique ou cas contact), gel hydroalcoolique
  • Former à l’enfilage et retrait, présence d’un référent pour répondre aux questions
  • Nettoyage du matériel apporté de l’extérieur (ex : table d’examen, instruments...)
  • Limiter la circulation hors des zones nécessaires

Lors d’épisodes infectieux (gastro, grippe, Covid), un contrôle accru du respect des EPI est indispensable. Ces efforts conjoints renforcent la barrière collective et protègent à la fois les plus fragiles et les professionnels.

Vers une culture de la juste protection en EHPAD

Savoir quand et comment employer gants, surblouses et autres protections reste un pilier de la sécurité en établissement médico-social. Ce qui prévaut, c’est l’adaptabilité : chaque geste doit répondre à un risque clairement identifié, et non à une routine figée. Cette approche, partagée entre soignants, accompagnants et intervenants extérieurs, protège mieux tout le monde, tout en préservant le confort des résidents et l’environnement de travail. Plus que jamais, la qualité du soin passe par la justesse d’utilisation – ni trop, ni trop peu, mais toujours au bon moment, pour la bonne raison.

Sources : HCSP : « Recommandations relatives à l’utilisation des équipements de protection individuelle en établissement médico-social », SF2H « Bonnes pratiques ESMS », INRS, AP-HP, CDC, Inserm.

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